Document Type

Article

Publication Date

2006

Abstract

Qu’est-ce qu'un roman comme Histoire d' Ernestine, mineur même dans l'œuvre de Marie Riccoboni, peut-il bien nous apprendre sur l'anagnorisis aristotélicienne? Après tout, une histoire d 'amour qui se conclut par un mariage entre un riche aristocrate et une jeune orpheline au revenus modestes et d'une honnêteté indiscutable ne défraye pas la chroniq ue de l'univers romanesque du dix-huitième siècle. Deux mots pour apporter un début de réponse: ignorance et noblesse, deux mots étymologiquement liés au morphème grec 'gno' qui signifie savoir, connaissance, morphème que nous retrouvons bien sur dans anagnorisis. Histoire d' Ernestine est le récit d'une jeune fille éduquée dans la petite bourgeoisie artisanale parisienne et qui ne sait pas déchiffrer lcs liens qui se tissent à son insu dans un milieu qui lui est étranger, celui de la noblesse parisienne. En effet, au dix–huitième siccle, le noble, étymologiquement, c'est celui qui sait: connaissance et classe sociale ne font qu'une. La force du roman de Marie Riccoboni, c'est de donner a l'anagnorisis, conçue ici comme reconnaissance,une dimension économique. Plus qu'une simple technique narrative,la problématique de la reconnaissance permet de mieux comprendreIa relation des personnages du roman à leur ethos de classe - c'est-à-direà Ia manière dont ils perçoivent les structures économiques de leur environnement social et la façon dont ils agissent par rapport à ces structures. Plus précisément, la reconnaissance de dette permet de mieux percevoir les relations entre anagnorisis comme technique narrative et anagnorisis comme element qui explique les liens sociaux entre les personnages. La réalisation d'être lié, même à son insu, par un échange, ne peut être séparée d'une autre forme de reconnaissance: comment rendre ce qui a été donné. Ainsi, la difficulté de reconnaître ses dettes pousse la logique de Ia générosité aristocratiquc a ses limites en la confrontant à un système d'échange réciproque où ce qui est donné doit être rendu.

Publisher Statement

Copyright © 2006, Voltaire Foundation. This article first appeared in Studies on Voltaire and the Eighteenth Century: 12 (2006), 275-281.

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